The Project Gutenberg eBook of Des bonnes moeurs et honnestes contenances que doit garder un jeune homme, tant à table qu'ailleurs, avec autres notables enseignemens This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at gutenberg.sitesdebloques.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook. Title: Des bonnes moeurs et honnestes contenances que doit garder un jeune homme, tant à table qu'ailleurs, avec autres notables enseignemens Author: active 15th century Joannes Sulpitius Verulanus Translator: Pierre Broë Release date: May 27, 2020 [eBook #62248] Language: French Credits: Laurent Vogel and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) *** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DES BONNES MOEURS ET HONNESTES CONTENANCES QUE DOIT GARDER UN JEUNE HOMME, TANT À TABLE QU'AILLEURS, AVEC AUTRES NOTABLES ENSEIGNEMENS *** Produced by Laurent Vogel and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) DES BONNES MOEURS ET HONNESTES CONTENANCES QUE DOIT GARDER un jeune homme, tant à table qu'ailleurs, avec autres notables enseignemens. _Oeuvre composé premierement en Latin par M. Jean Sulpice de sainct Alban, dit Verulan:_ Et nouvellement tourné & traduit en rime Françoise par Paraphrase par M. Pierre Broë practicien de Tournon sur le Rhosne. A Paris, de l'Imprimerie de Leon Cavellat, au mont sainct Hilaire au Griphon d'argent. 1584. A la Jeunesse. Nul ne se doit à table avancer, Ne de manger ou boyre commencer Qu'elle ne soit benite & consacree A Dieu du ciel qui toutes choses cree: Qui ce divin precept mesprisera D'y assister plus qu'indigne sera. Entre vous qui venez à table, Gardez ce sommaire notable. Ayez maintien joyeux & beau, Et prenez du sel au cousteau: N'ayez soucy que mangerez, Ny au dessert ne plongerez: Fuyr querelles bien vous plaise, Soyez droit assis à vostre ayse: Ne faictes point la nappe sale, Ny graterez à votre gale: Servez aux autres sans priere, Le morceau ne jettez arriere: Et boyrez petit à la fois: Graces rendez au Roy des Roys. Premier livre des bonnes moeurs & honnestes contenances qu'on doit tenir à table & ailleurs: avecques autres notables enseignemens. J'ay grand desir mon enfant jeune & tendre De t'enseigner, & te donner entendre Certains precepts & doctrine notable Des bonnes moeurs qu'on doit garder à table: Ayant de toy opinion certaine Qu'en te monstrant je ne perdray ma peine: Mais garderas à la table & ailleurs Mes mots dorez, qui sont par trop meilleurs En tous bons lieux que thresor ne chevance, Ayant tousjours honneste contenance: En quoy faisant tu auras double fruit D'estre à vertu comme aux lettres instruit. Au premier donc que t'en faire lecture, Bien cognoissant ta docile nature Je te requiers les vouloir observer, Pour ton honneur sans tache conserver, Et les gardant estre tant curieux Que sans cesser il soient devant tes yeux. Premierement avant que t'en venir A table asseoir il te doit souvenir De regarder des pieds jusques à la teste Ton vestement s'il est bel & honneste, Robbe, sayon, pourpoint, chausses bonnet, Chemise & tout soit sans tache bien net: Prens garde aussi par singuliere usage Qu'il n'y ait point maculle en ton visage. Apres avoir pensé ou vestement, Tu laveras tes mains honnestement Et les desseche en façon honnorable, Puis t'asseoirras en place convenable. Sur toutes chose onester te veux Que tu n'aye point le nez ord ne morveux, Car trop serois à moquer & reprendre S'on te voioit distiller ou descendre Du nez en bas la roupie ou morveau, Qui te feroit estre estimé pour veau. Et ne te faut ton sens tant esloigner, Que tu oublie à tes ongles roigner, Qu'ils ne soient longs & le doigt surans, Mais les tiens netz comme plein de bon sens. Souvent pigner tes cheveux te souvienne, De l'oublier garde qu'il ne t'advienne, Car s'on y voit attachez paille ou plume, On cuidera que se soit ta coustume D'ainsi tenir mal pignez tes cheveux, Et dira l'on que tu és paresseux. Ne plus ne moins dit on des escoliers, Qui portent ords & mal nets leurs souliers: Frotte tes tiens & les netty' souvent, Qu'il n'y soit veu crotte d'oren-avant, Bourbe, sablon, poudre, ny autre terre, Mais les tien nets & polis comme un verre. Un autre point maintenant je te touche, C'est qu'il te faut souvent laver ta bouche A celle fin qu'à la langue n'aux dens Ne soit trouvé par succession d'ans Du jaune roüill', ou autre telle ordure, Qui tient illec de nature aspre & dure: Car sans mentir parlant à peu de plaid On trouveroit cela infame & laid. D'un autre point aussi je t'oneste, Garde toy bien de te gratter la teste Devant les gens tant qu'à table seras: Puces & poux aussi ne chasseras Ny autre beste, ou meschante vermine, Quoy qu'en ton doz ou en ton col chemine. Et ne t'advienne à chercher les cirons, Poignes crever, grater aux environs, Ne faire cas de semblable inconstance: Car ce faisant tous ceux de l'assistance, Soient ils a table ou servans par la salle, S'en moqueroient comme d'un ord & sale, Si tu venois à tousser ou cracher, Esternuer ou bien à te moucher, Ou à jetter de quelque autre excrement, Par bouche ou nez, à table ou autrement, Devant les gens en aucune maniere, Souvienne toy te tourner en derriere, A celle fin que faisant en ce point, Les assistans ne s'apperçoivent point Que de ton corps vienne par grand laidure, Dedans le plat crachat ou pourriture. Et si la toux asprement te pressoit, Et du crachat en ta bouche croissoit, Tourne ton doz, & a peu bruit le crache Sans l'avaler: car on t'en tiendroit lasche. En te mouchant ne sois point tant nouveau De ta main nue empoigner le morveau, Mais le prendras plus convenablement, D'un linge blanc pour faire honnestement. Si de roter te venoit appetit Ferme ta bouche, & te tourne un petit, Faisant couler ce vent ord & nuisible, A peu de bruit, ou nul s'il est possible. Mais de peter garde qu'il ne t'eschappe, Retien ce vent & en dedans l'atrappe, Ferme le trou, s les fesses ensemble, Et serre fort encores qu'il te semble Que la douleur te deust tant tourmenter Comme une femme approchant d'enfanter: Car pour un pet ord puant & infame Fait à la table, il n'est homme ne femme Qui ne te dist que tu es à outrance L'un des plus grands archevilains de . J'en dy autant sur ce propos icy Si tu avoit ocultement vessi: » Car quelque cas que die le Stoique » Le rot, le pet, & la vesse impudique » Sont reprouvez en bonne compagnie: Il n'est celuy qui sans honte le nie. Avecques ce quiconque à toy assiste Estant à table il te faut estre miste, Et ton maintien honnestement renger, Soit à trancher à servir ou manger: Car si tu veux ne tomber en opprobre, Certainement il te faut estre sobre, Net & quillet en ce que mangeras, Et que pour toy ou autre trancheras, Servant à ceux qui aupres toy seront, Qui d'estre miste assez t'estimeront, Là ou pour vray si tu és desonneste Blasmé seras de tous ceux de la feste, Et pource donc evite saleté A ton pouvoir gardant honnesteté. Je ne dy pas qu'en mangeant ou servant, Et mes precepts que j'ay dit observant, Tu sois en rien facheux ou singulier En controuvant de mines un milieu Plus qu'il ne faut par curiosité, Sentans leur gloire en singularité, Dont on pourroit te nommer fantastique, Ou inventeur de nouvelle pratique: Car toy estant trop supersticieux On te pourroit nommer sot glorieux: Tu garderas donc mediocrité, Laquelle tient de grand' civilité. Voyla comment il te faut contenir Et belle geste à la table tenir, Si tu veux faire estimez ta personne, Et que chacun loz & honneur te donne. L'autheur enseigne les vertus de l'esprit dont on doit en compagnie, & quels vices on doit eviter. Encor' ay-je ce grand precept à dire Que tu ne dois d'aucun absent mesdire, Mais si quelcun d'aventure en mesdit Tu luy feras en douceur contredit, Luy remonstrant par langage amiable Qu'autruy blasmer n'est chose convenable. Et s'il trouvoit par colere odieuse Ta remonstrance aucunement fascheuse, En respondant quelque mot à travers Qui fust facheux mal sonant & pervers Dont tu serois à courroux provoqué, Tel prompt courroux soit soudain revoqué, Et ne sois pas legier à contester, Dont tu pourrois les oyans infester. Constant seras non contumelieux, Ne tance point par mots injurieux Mais plein de sens en prudence rassis Te contiendras tant debout comme assis: Serre tes dens, mors ta langue insensée Ne declairant plus avant ta pensée: Car il est laid & chose reprochable Tenir propos de controverse à table: Et se pourront quelques ung arrester Que tel caquet vient par trop beuveter: Et parce donc garde que de ta bouche Ne sorte mot que l'honneur d'autruy touche, D'aucune sale ou vilaine parolle, Dont on te peust estimer teste folle: Car on ne tient aucun pour gueres sage, S'il est noysif & hautain en langage: Un mesdisant, eslevé, colerique, En produisant toute parolle inique, Comme arrogant & fol presomptueux: Mais au contraire on le tient vertueux S'il est honteux & sçait faire silence, Oyant quelcun qui feroit petulance. Or tasche donc tant qu'il sera possible: D'estre courtois, humain, doux, & paisible: Non point folastre, esventé ne volage Comme seroit un pitaut de village: Tant que chacun clairement te cognoisse Estre nourry entre gens de noblesse. N'obeis point au ventre aucunement: Ne sois friand, yvrogne ne gourmant: Car si tu es noté de friandise, De lecherie, yvresse & gourmandise, Tu n'en auras que blasme & deshonneur, Fusses tu fils d'un Prince ou Gouverneur: Soit dont en ce constant & resolu, Que tu ne sois estimé dissolu. Prend garde aussi au peché de luxure Qui maint jeune homme a mis à la frissure, Au chauderon de la grosse verole, Qui ses suppots traite mal & affole: Fuis folle femme à elle ne t'atache, Car il en vient trop dangereuse tache. Aussi fuiras le peché d'avarice, Qui est le fond, & source de tout vice. Souvienne toy moderer ta colere Ne par courroux ou ire ne t'altere: Car tel fureur qui est soudain & prompt, Esmeut le sang, qui puis tost se corrompt, Et si surprend le sens si tres-avant Qu'on ne cognoist Dieu ny homme vivant. Tu ne seras envieux ne hautain, Enflé d'orgueil: car tien pour tout certain Qu'il n'est à Dieu chose plus desplaisante: Et pource donc de tout orgueil t'absente, Et te gouverne ainsi modestement Qu'on ne te puisse hayr aucunement. Comme non plus tu ne porteras haine A qui que soit heure, jour ne semaine: Et si par cas le courroux t'escarmouche, Chasse le tost que le Soleil n'y couche. Sois diligent non paresseux en somme, C'est un peché mal seant au jeune homme: Prens mon conseil pour en fuir la lice Occupe toy en honneste exercice. Tous autres cas meschans & reprouvez Qui sans honneur te sembleront trouvez, Tous jeux facheux, tout etemps infame, Dont tu ne peux acquerir fors que blasme, Et qui revient au desplaisir d'autruy, Retire t'en, ne t'en mesle meshuy. Et s'il t'advient par cas inopiné, De rencontrer un mal moriginé, Un mesdisant coustumier de mal faire, Un scandaleux ou mutin ordinaire, Ou autrement homme de deshonneur, Tant que tu veux parvenir à bon heur Separe toy loing de sa compagnie, Fuy t'en de luy: car nul est qui te nie Qu'il vaudroit mieux t'acointer de la peste, Que d'un tel homme, odieux & moleste. Quand tu auras quelque chose promis, Garde ta foy pour acquerir amys: Car cela sent toute virilité, Qu'un jeune enfant garde fidelité. Tu peux bien estre hardy entrepreneur De chose honneste ou n'a que tout honneur, Aventureux par moyenne mesure, Sans trop surtout: car si par adventure Par arrogance on te voit entreprendre Chose impossible à ta jeunesse tendre, On te pourra nommer fol temeraire: Et croy aussi qu'on ne se pourra taire De te nommer des bons esprits minime, Si l'on te voit par trop pusillanime, Honteux, craintif, sans faire aucun devoir De te monstrer devant gens de sçavoir, Lors qu'il est temps de se mettre en avant, Et de monstrer ce peu qu'on est sçavant, Si tu es tel on te dira nigaut, Sot, & niays, homme qui rien ne vaut, Doncques fault il par mediocrité Estre hardy hors de temerité Sans estre aussi entre gens trop timide, Mais en ces deux prens raison pour ta guide. Et pour autant qu'en prenant maint repas, Le plus souvent silence n'y est pas, Il ne te faut du tout estre muet, Mais parler peu, que ne sois dict huet: Car lors qu'on voit quelque sot en ce point Presque muet, ou qui ne parle point, On le renvoye au lit prendre repos, Ou l'on ne doit tenir aucun propos. Si ne faut il pourtant trop babiller, Comme jangleurs qui ne font que railler: Car quand on a telles gens remarché On les envoye railler au marché, Ou au Palais à la babillerie, Ou les plaideurs font mainte janglerie, Faisans effors à leurs causes plaider, Fouler le pauvre & le milourd ayder, En soustenant le tort & le travers, Si que souvent bon droit gist à l'envers: De ces deux points le moyen soit tenu Si tu veux estre à sage retenu. En tous endroits garde mansuetude, Monstre toy doux, non insolent ne rude. L'acteur fait une petite disgression sur la civilité qu'on doit garder au lit. Et quand viendra que tu seras au lit Apres soupper pour prendre le delit D'humain repos, avecques plaisant somme, Si au pres de toy est couché quelque homme, Tien doucement tous tes membres à droit, Alonge toy, & garde à son endroit De le facher alors aucunement, Pour te mouvoir ou tourner rudement: Par toy ne soient ces membres descouvers Te remuant ou faisant tours divers: Et si tu sens qu'il soit ja sommeillé Fay que par toy il ne soit esveillé. S'on te rapporte ou dit aucune chose, Ouvre l'oreille, & tien la bouche close, Et ne croy pas pourtant trop de legier Chose dont puisse advenir du dangier: Car le dessein de legiere creance Te monstreroit despourveu de prudence: » Parquoy on dit & il est evident, » Que croire tard est signe de prudent. Mais quand ainsi tels propos ouyras Prudentement les examineras, A sçavoir mon s'ils pourroient estre fables, Ou s'ils seront pour le moins vray-semblables: Ou bien s'ils sont du tout dignes à croyre: Car tien pour seur comme chose notoyre, » Que de prudence est un grand argument, » Quand on ne croit par trop legerement. Je ne dis pas qu'il faille estre retif De croyre aussi, s'on a quelque motif » De verité: car non moindre macule » Seroit en toy d'estre trop incredule. Or de par Dieu, quoy qu'on te face ou die, N'en fay, ne croy rien à teste estourdie, Mais te souvienne & sur tout tu dois craindre De faire cas, je dis de tous le moindre Dont ton honneur pourroit estre blasmé, Et le bon bruit de ta race entamé: Ainsi vaincras le meschant blasonneur, Vray ennemy de vertu & d'honneur. Et si te prie avoyr en preference, Les gens de bien de vertu & science, D'aucuns propos ne doys estre inventeur, Legier parleur, encores moins menteur: Aussi ne sois à part toy tant severe, Que aucunes fois aux autres tu n'adhere, En reboutant par opinion forte Tout ce qu'aucun te faict dit & raporte, Sinon les cas que tout notoirement Tu ne pourrois nier honnestement, Car ce faisant tu aurois merité D'estre noté de singularité. Sois en tous temps courtois, doux & affable, Hardy donneur, liberal & traitable. Ayme ton Dieu le priant à mains tes, Sans oublier sa mere, saints, ne sainctes, A ce qu'en fin tes mesfaits & mesdits Soient pardonnez & livré Paradis. Tu donneras honneur & reverence A pere & mere, avec obeyssance, Sans l'un ne l'autre à courroux inciter, S'en terre veux longuement habiter. A nul vivant feras tort ou dommage, Soit par effet, ou par meschant langage: Et ne fay rien à l'autruy en effect, Sinon ce que tu voudrois t'estre faict. Ne prens non plus par furt aucunement Chose que soit au prochain detriment, Dieu en seroit grandement irrité, Et tu serois au gibet invité. Car un enfant des qu'il prent appetit De consentir à un larcin petit, Facilement vient en accoustumance: Ceste coustume est de si grand meschance Que peu à peu il devient obstiné: Ainsi faisant te voyla destiné Estre pasture aux gros oyseaux de proye, Haut au gibet là ou chacun te voye: Garde toy bien de devenir yvroigne, Combien qu'aucun contre Caton tesmoigne, Que luy estant en prudence divin Fut quelquefois trouvé surprins du vin: » Ce qui est bon de luy faut retenir: » Mais de trop boyre il s'en faut abstenir. Mets donc au vin moytié, tiers, ou quart d'eau, Qu'on ne t'estime un friant coquardeau. Ne sois moqueur, par amour je t'en prie, C'est un peché trop grand que moquerie: » Car sage & fol sont tous subjects à vice, » Et n'est cheval si ferré qui ne glisse: » Si tu ne veux doncques estre moqué, Autre n'en soit de par toy provoqué: » Car au moqueur sera son droit salaire, » D'estre mocqué pour tant qu'il sache faire. Tu ne seras dormart ne paresseux, Mais vigilant, diligent & soigneux, Tousjours debout comme un coq esveillé, Qui n'est jamais ne las ne sommeillé: Car les dormeurs & lasches de courage Seront chetifs tout le temps de leur aage: Et au contraire un bien diligent homme, Pourra serrer d'escus une grand somme. S'il advenoit qu'on eust à toy refuge Pour exercer un office de Juge, Rends à chacun ce que par droit est sien, Et tu seras trouvé homme de bien. Munera evertunt justitiam & excecant oculos sapientum & mutant verba justorum: Deute. 16 & Exod. 23. Acceptatio munerum prevaricatio veritatis est. text. in c. qui rectè xi. q. iii. Donne toy garde aussi par le contraire Qu'on ne te puisse à corruption attraire Pour prononcer quelque faux jugement Par dons d'argent, promesse ou autrement. Ne prens jamais quelque don qu'on te face, Ny aux presens ne divertis ta face: Car le plus juste aveugle en deviendroit, Et le faux tort contre droit soustiendroit, Prevaricant justice & verité, Et preferant larcin à charité: Dont tu serois puny de mort cruelle, Pour offenser justice temporelle. J'en dy autant & n'en cuyde pas moins S'on t'appelloit au nombre des tesmoins, Et que par toy & ton faux tesmoignage, Ton prochain eust receu perte ou dommage: Car pour certain je t'en cuiderois quite Pour souffrir mort trop honteuse & despite. Nul ne soit donc juge, ne tesmoin faux Qu'il ne descende aux tourmens infernaux, Pour recevoir aux eternelles umbres Le merité loyer de tels encombres. Encor' te prie & de coeur t'oneste Que tousjours sois en modestie honneste, En souhaitant de bon coeur sans qu'il change D'avoir bon bruit & notable loüange. Car sans mentir c'est loüable avarice D'embler vertu & delaisser le vice. Toute equité par les bons demandee Te soit tousjours pour bien recommandee. Ayant desir en toute place & lieu De faire bien, & vivre selon Dieu: Ainsi faisant & gardant mes preceptes, Que cy dessus t'ay baillé par receptes, Il n'est celuy du grand jusqu'à l'infime, Qui en vertu des plus grands ne t'estime, Et qui ne soit bien prest en diligence Te faire honneur par grand benevolence, Comme à celuy qui est homme notable, Digne de biens entre tous honnorable. Fin du premier livre. Second livre des Contenances, Moeurs et Civilitez qu'on doit garder à table & ailleurs. Or maintenant ton esprit esveille, Entend à moy, & me preste l'oreille, Pour concevoir d'autres civilitez Dont te viendront grandes utilitez, Que te seront à garder necessaires, Pour estre en tout aux vices adversaires: Escoute donc, ma doctrine est utile, Claire à entendre & en rien difficile. Je ne trouvay jamais beau ne honneste Que d'aussi tost qu'on a levé la teste Hors du chevet, & qu'on est descouché, Avant qu'on soit à grand peine mouché, On doyve aller tantost à la viande, Pour obeyr à la gueule friande: » Boyre & manger en tout temps trop matin, » N'est beau ne sain, mais semble son mastin. Si tu veux donc estre sain & durable, Ne mange point que à heure convenable, Ne tost ne tard, mais moyenne & propice, Quand fait auras suffisant exercice: Lors tu prendras ton repas sobrement, Sans t'arrester à table longuement: Car demeurer au manger long espace, Ne fut jamais trouvé de bonne grace, Mais sent à plat son pilier de taverne, Son gourmandeau que la gueule gouverne. Ce que doit estre à bon droit evité Par toy & autre aymant civilité. Maintenant L'acteur descrit l'office de celuy qui sert, l'onestant de ce qu'il a premierement à faire. Les anciens quand ils vouloient prendre leur repas s'asseoient sur des licts & non pas sur des escabelles ne sur des bancs parquoy il dit qu'il faut dresser les licts. Advenant donc l'heure qu'il faut manger, Soigneux seras de dresser & renger Lits, sieges, bancs, chaires, & escabelles Pour faire asseoir, qui soient nettes & belles: Baille à chacun une blanche serviette, Son net tranchoir, ou bien la belle assiette: Puis asseoirras sur table bien & beau Du sel, du pain, de bon vin, & de l'eau, Et du surplus que Dieu t'aura donné, Qui te sera pour manger ordonné. Estant assis, or mange honnestement, Sans te monstrer dissolu ne gourmant, Ny te haster, comme fait un pourceau: Et ne prendras un si tres-gros morceau, Qu'en l'avallant alonger on te voye Le col, contraint ainsi que fait une oye, Faisant un son qui au gozier gazoüille, Ne plus ne moins comme un chant de grenoille. Tes membres tien d'autre dexterité Que ne faisoient ceux de l'antiquité, Dont les autheurs ont par escrit laissé, Qu'ils (en mangeant) tenoient le corps baissé, Estant courbez, pendans sur l'estomac, Comme celuy qui est malade & flac: Mais ce temps là n'est plus en souvenance, Le jourd'huy veut plus belle contenance: Il faut avoir la chere relevee, Les membres droits, & la teste levee, Les mains sans plus sur la table appuyées, De toute graisse alentour essuyees: Et ne te chaut si quelques gros milors, Prenans licence à leurs riches tresors Font quelquefois en mangeant insolence, Estans quasi couchez dessus leur pance Eux appuyans sur leurs coudes & bras: Quant à cela à ceux ne t'en prendras, N'y vise point, car ils en ont credit: Fais quant à toy ainsi que je t'ay dit. Et ne prens point ceste temerité S'il y a gens de quelque authorité, Plus vieux que toy, en bon sens plus rassis, De t'aller seoir qu'ils ne soient tous assis: Lors quand verras que chacun aura place, Si tu veux seoir de par Dieu qu'il se face, Mais ce faisant ne prendras comme cuide Sinon le lieu que tu cognoistras vuide. L'acteur donne ses preceptes tant à celuy qui sied à table comme à celuy qui sert indifferemment ainsi qu'appert clairement par la lettre. Pource toy lecteur en seras adverty une fois pour toutes & n'en attens point d'autre advertissement. Si ne t'assis prens toy garde au service Versant à boyre, en ce n'a point de vice, Porte les mets, assois les plats sur table, Prens le dessert en te monstrant affable, Comme celuy qui en ce prent plaisir Sans te haster, mais tout à beau loisir. Et en servant, bien adroit ta main hauce Sans espancher du plat verjus ne sauce: Car ce faisant tu te ferois blasmer, Pour laydement gaster & diffamer Aux assistans leurs vestemens honnestes De tels liqueurs grasses & trop mal nettes, Dont la marque si fort au drap s'atache Que a peine on peut jamais lever la tache. Et si le maistre aucun cas te commande, Soit à porter ou à oster la viande, Ou autre cas qui sera necessaire, Monstre toy prompt, facil & volontaire A le servir d'une chere seraine, Sans ref aucunement ta peine. Et s'il usoit à toy d'urbanité Te faisant seoir comme un autre invité, Tu t'assoirras selon sa courtoysie Au lieu qu'il veut ou ta place a choisie. Si aupres toy est quelque homme apparent, Digne d'honneur, soit, ou non ton parent, Qui te vousist eslargir quelques choses Sur ton tranchoir, que par honte tu n'oses Prendre de luy pour ta disparité, Prens hardiment avec hilarité En luy rendant graces comme honnorable, D'un doux parler & langage amiable. Et s'il n'y a aupres de toy personne Plus pres du plat que toy qui rien te donne, Il t'est permis d'en prendre honnestement, Touchant la chair à trois doigts seulement, Soit quand au plat la prendras de la main, Ou au tranchoir. Car il est tout certain D'honnesteté seroit chose esloignee, Si de plein poing, tu l'avois empoignee. D'un autre point je te veux adviser, Aucunes fois on vient à deviser De maints propos en mangeant & beuvant, Et cela vient quasi le plus souvent, Pense si lors seroit chose vilaine Qu'on s'apperceust ta bouche estre pleine, Qu'en toy ne fust science ne pouvoir, De dire mot ne ta langue mouvoir, Il te faut donc manger tout bellement, Sans faire ainsi gros morceaux lourdement, Et les coupper par honneste mesure, Si que au parler ne t'en soit faite injure. Aussi ne faut mascher des deux costez Pour y avoir doubles morceaux boutez. Autant est laid, & vaut encores moins, Mettre la viande en la bouche à deux mains. Et si le plat est plus pres de ta main Qu'à ton second, tu luy seras humain En luy touchant dessus son assiette, Comme pour toy, ou tu sçais qu'il souhaite. Et s'il advient que tu sois homme riche, Tu ne dois estre en rien eschars ne chiche, Mais liberal, donnant à tes amys Des biens que Dieu en ta puissance à mis. En leur faisant quelquefois bonne chere, Sans t'arrester à quelque chose chere. Et des biens donne aux pauvres de Dieu A ton pouvoir en toute place & lieu: Car Jesus Christ par precept immobile L'a commandé en son sainct Evangile. Revenant dont à noz propos premiers, Jeunes enfans qui seront coustumiers En leur repas faire mainte insolence, Et delaissans honneste contenance Seront blasmez de toutes gens de bien, Comme gourmans qui (brief) ne valent rien. A telles gens qui font Dieu de leur ventre N'appartient point que sustance y entre: Car chacun doit garder honnesteté, Et en tous lieux vivre en sobrieté, Mangeant, beuvant, & prenant nourriture Tant seulement pour contenter nature. L'homme n'est fait simplement pour manger (Qui ne voudroit l'escriture estranger) » Mais au contraire est escrit en maint livre, » Boyre & manger sont ordonnez pour vivre. Qu'en advient il par trop manger & boyre? Male santé, on pert sens & memoire, La teste en deut, l'estomac est debile, Jambes & bras & tout le corps fragile;